« J’écoute et j’exprime mes ressentis ».
Si j’osais, je dirais que la bonne santé dépend de notre capacité à être soi-même.
Et qu’être soi-même passe par l’expression des ressentis. Bon bien, je l’ai dit. C’est un peu court, cela demande à être développé, mais c’est posé.
Annie a soixante ans. Elle est malade et ne comprend pas pourquoi car elle s’intéresse pourtant à beaucoup de techniques de bien-être, fait des stages de sophrologie, du yoga… Elle pense que son ouverture d’esprit et ses activités de bien-être ne cadrent pas avec la maladie qu’elle vient « d’attraper ». Je lui demande ce qui est compliqué dans sa vie.
Elle me parle de sa relation avec son mari. « Il est difficile à vivre », je lui demande de me donner un exemple : « s’il fait tomber une pile de linge de l’armoire en voulant prendre un pull, il ne ramasse pas ce qu’il fait tomber ».
Je désire qu’elle me dise ce qu’elle fait : « Rien. Je ramasse et je range ». Je l’interroge sur ce qu’elle ressent quand elle ramasse le linge.
Elle réfléchit et dit qu’elle se sent humiliée. « Et si vous laissiez la pile par terre, cela vous éviterait de ressentir de l’humiliation ? » Je suggère alors que le linge reste au sol afin que votre mari lorsqu’il reviendra dans la pièce, comprenne que vous n’avez pas à le faire. « Non » me dit-elle, « Il me dira que je fais des histoires pour rien ». « Et ?» demandais-je, « Alors il ferait la tête pendant une semaine et ça… je ne le supporte plus ».
Elle n’a pas fait le lien avec son ressenti douloureux et sa maladie. Elle vit depuis tellement d’années une relation où l’exprimer lui semble impossible, qu’elle ne voit même pas l’importance du compromis qu’elle fait au quotidien. Elle ne sait pas que vivre avec un mari dévalorisant épuise ses énergies et a une incidence sur sa santé. Elle me confie encore que son mari râle même quand il faut qu’il l’accompagne à l’hôpital pour le traitement pourtant particulièrement lourd.
Après cette séance de kinésiologie, je n’ai pas revu Annie. Mettre de la conscience sur nos souffrances est difficile. Elle n’a sans doute pas eu le courage d’exprimer quoi que ce soit à son mari ou elle n’a pas eu la détermination suffisante pour le quitter.
Pour pouvoir exprimer ses ressentis après l’âge de sept ans, il faut se débarrasser des trois premières clés. Si nous n’avons plus besoin d’être aimé, si nous ne sommes plus sous le joug du mythe des parents idéaux et si nous ne sommes plus coupables, nous avons fait un grand pas vers nous-mêmes. (réf à l’article du 15 octobre 2017 rubrique Autour de la kinésiologie, 10 clés à dépasser pour être libre et heureux !)
L’air que nous respirons est plus pur. Nous inspirons un bon coup et nous prenons conscience de l’air qui nous visite et qui s’en retourne dehors. Ouf ! Nous avons récupéré nos poumons. Nous avons conscience de notre liberté et notre corps nous dit merci. L’espace intérieur est bien plus ample. Nous sommes prêts à écouter nos ressentis.
C’est un vaste univers que nous avons oublié et qui a été spolié par des tas de lois civiques, de bons comportements sociétaux et une domestication quasi totale.
Nous avons été conditionnés !
Notre corps nous dit en permanence avec nos maux que nous n’exprimons pas nos ressentis et ces derniers vont se loger sous forme de pathologie dans les organes, à défaut d’être efficace pour nous respecter, à défaut de mots.
Le foie et la vésicule biliaire et leurs dysfonctionnements dus à la colère, au ressentiment. La gorge et l’estomac avec tous « ces morceaux » qui restent en travers ou qui peinent à être digérés. La vessie qui exprime l’incapacité à diriger notre vie et notre problème de territoire vis-à-vis des autres. L’intestin qui ne peut ni assimiler ni lâcher le passé ni le présent de situations douloureuses ou injustes. Les poumons qui expriment le chagrin et nos difficultés à nous estimer.
Paul est bien malade, récidive de cancer, la maladie a attaqué ses poumons. Il a fonctionné toute sa vie durant sur ce principe : « Je dois être agréable aux autres ». Cet homme a passé presque soixante ans à donner de l’importance aux autres et aucune à lui-même.
Et si nous acceptons de voir les conditionnements qui empêchent l’expression des ressentis, nous commençons à nous diriger vers les portes de sortie dont nous détenons déjà quelques clés. Les systèmes de croyance et l’expression des ressentis sont extrêmement liés car bien souvent, nous jugeons nos ressentis. Nous croyons qu’ils ne sont pas corrects par principe car leur moteur est le plaisir. Le plaisir que l’on s’octroie en n’étant plus dans des systèmes rigides de comportements mais dans le respect de soi.
Pour les générations précédentes, la notion du plaisir restait encore attachée à une distraction sans importance, pire à une perversion ou même un pêché. Les exprimer à l’autre n’était pas plus correct, nous devions rester conformes à notre éducation. Et pourtant, les écouter n’est pas la fin de notre sociabilité. Ils ne vont pas clore toutes relations avec nos semblables. Cela permet la juste position dans nos relations aux autres. Si d’une personne frustrée, nous devenions une personne épanouie car libre d’exprimer ce qu’elle ressent, la relation de part et d’autre pourrait s’en trouver enrichie.
C’est l’histoire du combat intérieur entre les obligations qu’on se donne et l’expression de nos propres désirs.
N’oublions pas que le chemin du cœur passe par les grands et les petits plaisirs de la vie !
Sinon nous passons des vies raisonnables à en mourir.
Les quatre premières clés sont donc imbriquées entre elles. Le besoin d’être aimé, l’idéalisation des parents et la culpabilité : ce sont eux qui empêchent l’expression des ressentis.
François attend la reconnaissance de ses parents. « Je n’ai jamais été à la hauteur de ce que mes parents étaient en droit d’attendre de moi » et sa culpabilité s’étend à présent dans d’autres domaines affectifs. Il a peur de ne pas être assez bien pour sa compagne et il me dit que ça le rend littéralement malade : « J’ai fait ma valise ce weekend, puis elle m’a appelé considérant que je ne pouvais pas partir de cette façon, je suis rentré. Je ne me supporte plus, je rentre dans des colères qui me font faire n’importe quoi, je sais que je ne suis pas moi-même quand je suis comme ça et je souffre à l’idée de faire du mal à ma conjointe ». Je lui demande comment ce dimanche matin le conflit a-t-il commencé et après quelques explications, je comprends sa colère qui lui suggère de partir. Pour l’instant il ne peut pas voir et se blâme tout seul. Cette femme, consciemment ou pas, l’amène à suivre ses dictats dans une maison qui est la sienne où tout doit être comme elle veut où il doit même boire ce qu’elle considère bon pour lui. Son cerveau de survie lui dit, fuis ou combat. « Heureusement que vous fuyez encore », lui dis-je, « Non c’est plutôt rassurant, vous fonctionnez bien et je pense à l’histoire d’Annie qui aurait dû partir et qui n’a pas écouté son cerveau de survie. « Nous allons travailler pour que vous vous affirmiez mais sachez déjà que vous n’êtes pas condamnable parce que vous êtes en colère ou que vous fuyez, et plus vous naviguerez avec vos ressentis, plus le voyage sera plaisant car vous serez juste avec vous même ».